AU FIL DES MOTS à Chavagnes-en-Paillers

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Septembre 2016

DICTÉES du MARDI

Si tu vas à Rio ...

 

Plus d'un parmi nous ignore certainement le nom de ce ténor d'origine turque, interprète de nombreux rôles d'opérettes et notamment de ladite chanson latino-américaine susnommée. Me trompé-je ? Né près d'Izmir en 1921 et décédé à Istanbul en 1968, voilà maintenant des décennies que David Arugete , alias Dario Moreno, ― car c'est bien de lui qu'il s'agit ― popularisa ce tube sur la cité des Cariocas.

Dans les années cinquante, encore rares étaient ceux qui, par quelque voie que ce fût, débarquaient outre- Atlantique pour des vacances.

Aujourd'hui, muni d'un billet acheté sur Internet pour un vol low cost donnant accès à un charter aux sièges plus qu'exigus pour des quidams hors norme(s), et chaussé de confortables orthèses élastiques de contention s'il est en proie à la varice, tout un chacun a l'heur ― pour peu qu'il l'ait décidé ― de marcher sur les traces des colons portugais.

Rio... Rio de Janeiro... Sans bourse délier, cet été nous avons eu le privilège de vivre quinze jours fabuleux au rythme du Brésil, onze mille quatre cent deux athlètes du monde entier s'étaient donné rendez-vous pour les XXVIII* olympiades d'été. Quels que soient leur discipline, leur pays d'origine, leur couleur, tous nous ont subjugués. Que de muscle(s), de grâce, d'efforts, de performances ! Mais aussi que de privations, de souffrances ils se sont vus supporter pour accéder à l'empyrée de leur art. Les pleurs versés une fois l'épreuve accomplie ― pleurs d'euphorie ou pleurs amers de déception ― sont à respecter.

Devant nos écrans plasma, les doigts de pied en éventail dans un rocking-chair ou sur une ottomane, les plus fanas d'entre nous se sont imposé parfois des veilles prolongées, craignant que l'obtention d'un record, d'une médaille ne leur échappât ; et bien que nous fussions à des milliers de kilomètres, comme nous avons vibré quand la sarabande effrénée des petits drapeaux bleu blanc rouge de nos concitoyens sur place ondoyait dans les gradins brésiliens !

Quarante-deux médailles pour la France ; quelle moisson ! ( Les céréaliers de l'Hexagone n'ont pas été aussi chanceux...) Épiloguer sur toutes ? Impossible dans ce texte sous peine d'y passer un nycthémère et... gare à l'autre moisson, qui se révélerait indubitablement tout aussi prolifique ! S'il ne faut en citer qu'une, nul doute que mon choix ira à celle de notre blondinet décathlonien, Kevin Mayer. récompensé pour quatre courses, trois sauts et trois lancers.

Si nous n'avons pas foulé le chaud sable blond de Copacabana, si nous n'avons pas côtoyé les pulpeuses vénus callipyges en monokini, si le Pain de Sucre, le Corcovado et son Christ Rédempteur ne restaient pour nous que virtuels, rien ne nous empêchait de déguster, en famille ou entre potes, un caïpirinha bien glacé tout en esquissant quelques pas de samba ou de capoeira.

 

                                                                                                                                                          Nanie


Méditation(s) d'été.

   Tapis contre les rochers marron qui cachent leurs aspérités sous un manteau d'algues brunes, mes frères et moi sommes plongés dans une douce torpeur à peine troublée par le ressac des vagues. Le rocher voisin, dépourvu d'algues, a été colonisé par des balanes qui vivotent, tels des proscrits, dans des loges décolorées soudées à la paroi, mais se targuant d'un exploit : moult congénères, à ce qu'on rapporte - la trompette de la Renommée ayant sonné jusqu'ici - auraient fait le tour du monde, agglutinées et agrippées à la coque de cap-horniers, les freinant parfois dans leur(s) course(s). Je reste un peu sceptique, refusant quant à moi les aléas de pareilles odyssées.
   Mais brisons là pour évoquer d'autres records : le plus grand crustacé connu serait un crabe araignée géant du Pacifique, de quarante-cinq centimètres de long pour une envergure de quatre mètres. Mieux encore, certains crabes gourmets et ingambes se hisseraient au faîte des cocotiers pour faire choir, dans des à-pics effrayants, les noix qu'ils ont choisies et sciées, et qui rendront ainsi leur chair plus savoureuse. Ce sont là des ouï-dire, et à tous ces héros je préfère les tourteaux de nos plages, joufflus, sans manières, qui eux aussi se caparaçonnent, tout en gardant un air débonnaire.

Pause pour les juniors et les seniors amateurs.

 

   L'heure est venue pour mes frères et moi, silhouettes gibbeuses, d'aller déjeuner, sans nul encombre j'espère, près d'un rocher plus à l'ouest, égayé par un lacis d'algues rubanées. Au menu, des chlorophycées, la plus goûtée étant la laitue de mer, que plus d'un broute avec délicatesse mais sans afféterie1. De tels pique-niques me siéent. Les bigorneaux en effet ne sont pas n'importe qui ! Ils tiennent leur nom de la bigorne, petite enclume bicorne utilisée par les orfèvres. Nous faisons donc partie, peu ou prou, d'une certaine noblesse dans le monde des arts.

Reprise pour les juniors et les seniors amateurs.

 

  D'ailleurs, vous devez connaître nos cousines les littorines arborant les tenues les plus déjantées, jaunes, orange ou rayées, qui inspirent les joailliers parmi les plus cotés. Et que dire de nos cousins les ormeaux, qui cachent sous une enveloppe rugueuse les irisations de leur précieuse nacre... ou des murex, qui furent jadis fournisseurs officiels de la pourpre, symbole des plus hautes dignités !
   Nous, les bigorneaux, sommes des contemplatifs ; formant une société sélecte, nous avons voulu une tenue qui nous fît honneur. Mais, fi du protocole, vous pouvez m'appeler Roméo !

1- ou affèterie

Françoise COUTURE

(Dictée océane - 2010)

DICTÉES du JEUDI

 

Texte n°1 ( assez facile )

 

Attention au chien...

 

C'était un chien immense, si maigre qu'on eût dit un squelette velu, et qui bondissait vers les passants en s'étranglant au bout d'une chaîne. Je m'avançai vers le fauve... Ma vue sembla surexciter l'animal : je m'arrêtai prudemment au bord du demi-cercle qu'avaient tracé ses allées et venues. Du fond de la niche, il bondit, mais d'un élan si prodigieux que la boucle du collier céda. J'esquissai un bond en arrière : trop tard ! Les longues pattes agrippèrent mes épaules, je vis briller quatre canines brillantes et pointues... De toutes mes forces, je repoussai le dur poitrail mais une langue douce me lécha furieusement le visage.

C'était un tendre méconnu... Une brute enragée d'amour, qui s'aplatit ensuite à mes pieds pour lécher mes mollets en pleurant de joie... J' eus toutes les peines du monde à m'en débarrasser car il rampait sur mes pas et m'eût suivi jusqu'au bout du monde.

 

                                                                                       Marcel Pagnol (1895- 1974) -  Extrait de « Le temps des secrets »

 

 

texte n°2 ( plus difficile )

 

Le loup et le chien ( D'après les fables de La Fontaine )

 

Un loup, maigre comme un chien pouilleux, et qui n'avait plus goûté au gigot d'agneau depuis des lustres, portait un pelage dégarni sur des os saillants. À l' approche d'une patte d'oie – rien que le nom le faisait saliver , il rencontra un chien replet qui terminait sa balade digestive. Ce n'était pas le genre caniche ou teckel, court sur pattes et propret comme au sortir d'un salon de toilettage ; le loup n'en eût alors fait qu'une bouchée. Non, celui-là paraissait aussi costaud qu'un taureau camarguais, dressé aux rixes tel un doberman. Se jeter sur lui et risquer de prendre une raclée ? Il ne se sentait pas d'attaque pour une échauffourée.

Ainsi, quoiqu'il eût la dent, le loup décida de ne pas montrer les crocs : pas question de recevoir la pâtée du mâtin même si, à l'évocation de ce mot-là aussi, son intestin, en l'occurrence assez grêle, se rebellait en faisant entendre son ire par des borborygmes malsonnants. Il prit donc langue avec le mastiff et improvisa un panégyrique sur son embonpoint que d'aucuns, prétendait-il, envieraient. C'est que la bête des bois savait se transformer en thuriféraire avisé. Son cousin, le goupil, ne lui avait-il pas conté un jour cette leçon qu'il avait donnée aux dépens d'un corbeau ? Perchée sur son yeuse à freux, cette tête de linotte aux ailes noir de jais s'était vu soustraire du bec son camembert …

 

                                                                   Philippe Dessouliers - ( Dictée donnée à  « La foire aux livres » à Belfort , en octobre 2015 )

 



09/09/2016
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