AU FIL DES MOTS à Chavagnes-en-Paillers

Jeudi 10 mars 2022

Alsace

Mon Alsace, je l'ai trouvée dans des vide-greniers. Fille d'une Mulhousienne, orpheline, exilée sitôt son mariage dans des villes « de l'intérieur », je n'ai pas eu l'occasion de découvrir ni d'explorer ma province maternelle.

Quand il y a quelques années je commençai à fréquenter les vide-greniers, je me sentis très vite investie d'une mission : sauver les petites poupées alsaciennes traînant au fond des cartons parmi les Niçoises, les Bretonnes et les Espagnoles, mais pas les encore-neuves, dans leur(s) boîte(s) transparente(s), non, les éclopées, les froissées, avec leurs jupons effrangés, leur nœud noir sur l’œil, leurs nattes ébouriffées, leur(s) petit(s) corselet(s) décousu(s), leur(s) jupe(s) rouge(s) pleine(s) de taches...En souvenir de maman, je voulais les réhabiliter, les consoler.

À côté des poupées, il y avait les salières, les porte-couteaux, les petits pots, une adorable gardeuse d'oie, des statuettes humoristiques d'un couple, avant puis après le mariage. Parfois même un Alsacien en costume, esseulé (ils sont plus rares).

J'étendis alors ma passion aux cigognes, emblématiques volatiles. Nids de cigognes avec leurs petits, la cheminée en plus, cigognes unijambistes (tenant debout grâce au fil de fer) et des plateaux ronds ou rectangulaires, en bois peint ou pyrogravé (du fait-maison, durant les longues soirées d'avant la télé).

Pourquoi m'arrêter en chemin ? J'ai amassé dans la foulée tout un service (dépareillé) de ces belles assiettes de Sarreguemines offrant de charmantes scènes villageoises – en me méfiant bien sûr des imitations « passe au lave-vaisselle », pouah !

Je n'ai pas non plus résisté aux jolis verres au pied vert, ornés de motifs de vigne ou de guirlandes de petits personnages, toujours dépareillés, toujours orphelins, mais si attirants quand on les remplit d'un clair sylvaner ou d'un gewurztraminer.

Et je ne parle pas des nappes brodées au fil rouge, des guirlandes festonnées destinées aux vaisseliers, des tabliers.

Alsace, quand tu nous tiens !

Anne Sylvestre

Échalote

On peut craindre qu'une carte de restaurant ne soit l'endroit où se rencontrent le plus de fautes d'orthographe au centimètre carré. C'est qu'il faut résister à de multiples tentations : aligner la cassonade sur la carbon(n)ade ; doubler le « f » de gaufres et le « l » de profiteroles avec l'espoir que ça les rendra, pour ces dernières au moins, plus chou ; confondre saumoneau avec dindonneau...

Cela dit, le principal écueil est représenté par les échalotes, d'autant que les traîtresses sont partout chez elles, accompagnant aussi bien le sauté de veau que la gibelotte. Un ami plutôt sourcilleux sur ces questions de langue m'a raconté qu'un jour, il avait signifié au garçon qu'il prendrait volontiers des échalotes, à condition que ce fût avec un « t ». Ce fut pour s'entendre répondre par ce dernier, proprement éberlué, qu'il n'avait jamais vu personne boire du thé avec des échalotes !

Bruno Dewaele