AU FIL DES MOTS à Chavagnes-en-Paillers

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Mai 2019

Mardi 7 mai

Une singulière procession

  

Les portes de l’église s’ouvrent, laissant s’échapper, dans la fraîcheur de l’aurore, le flot des quelque trois cents fidèles qui, bientôt, se mettront en route derrière la châsse nacarat portée par deux gaillards guillerets. Mais qui sont-ils, ces lève-tôt, ces matineux inattendus? Où vont-ils ainsi dès potron-minet ? Après un petit-déjeuner express agrémenté de menues oublies et d’un café bien chaud – pas de gloria trop matin! -, le départ a été donné.

Une voix de fausset entonne le cantique bien connu en l’honneur de ce saint Gouesnou qui, voici quatorze siècles, traça de façon insolite les limites de son ermitage. La légende voudrait qu’il traînât une fourche et que, derrière lui, sur son passage, ô miracle, s’élevât un fossé!

C’est pour cette procession appelée «troménie» que, ce matin de jeudi de l’Ascension, se sont donné rendez-vous ces braves randonneurs armés de bourdons ou de  simples gourdes d’eau plate. 

 Le jour se lève à peine et, par sentes et cavées, dans l’aiguail des hautes herbes, frôlant les scolopendres inclinées, longeant les noues où s’affolent quelques taures, la colonne des marcheurs s’étire.

Au loin, un coucou coucoule. Un levraut, délogé de son gîte par ce remue-ménage inhabituel, se glisse sous les genêts en fleur(s). Sur les branches d’un châtaignier, deux merles manifestent leur surprise de leurs trilles aigus. Une mésange zinzinule. Tout invite au silence, à la contemplation… 

Voilà que justement l’hymne trois fois répété(e) rappelle que l’heure est à la méditation. L’officiant proclame une oraison à laquelle répondent en écho quelques alléluias. Et le long cortège s’ébranle une fois encore.

D’autres stations inviteront à la réflexion voire à la prière : calvaires, chapelles, parfois en ruine, fontaines… Mais, aujourd’hui, mieux vaut éviter de boire l’eau céans car plus d’une source, même sacrée, se révèle polluée ! Aussi, trois boit-sans-soif, jouant les m’as-tu-vu, se sont-ils filé rancard dans une ferme voisine où ils se sont vu servir une eau plus « ferrugineuse » à savoir un saint-émilion, à moins que ce ne fût, en ce jour béni, un saint-pourçain !…

Mais voici qu’arrive le terme de cette singulière procession. Le retour à l’église du village doit être triomphal. Les bannières, de brocart d’or, sont fièrement portées, au long des derniers hectomètres et le carillon des jours de grande(s) fête(s) ameute la foule des curieux. Rite immuable : chaque pèlerin passe sous le saint reliquaire. Il espère peut-être un ultime bienfait divin mais surtout s’assure de devenir enfin, si l’on en croit les on-dit, citoyen à part entière de ladite cité.

Texte écrit par Henri Le Guen. La relecture est de Philippe Dessouliers, du club d’orthographe Belf’Ortho (Belfort).

Variantes acceptées : fraicheur, trois-cents, petit déjeuner, trainât, gite, levreau, rencard ou rancart.

N.B. Le verbe « coucouler » ne figure ni dans le PL, ni dans le PR ; il est défini par Littré

Tous les six ans se déroule la Troménie de Locronan

Jeudi 9 mai

Texte N.1

 

La poule

Pattes jointes, elle saute du poulailler, dès qu'on lui ouvre la porte. C'est une poule commune, modestement parée et qui ne pond jamais d’œufs d'or. Éblouie de lumière, elle fait quelques pas, indécise, dans la cour. Elle voit d'abord le tas de cendres où, chaque matin, elle a coutume de s'ébattre. Elle s'y roule, s'y trempe, et, d'une vive agitation d'ailes, les plumes gonflées, elle secoue ses puces de la nuit. Puis elle va boire au plat creux que la dernière averse a rempli. Elle ne boit que de l'eau. Elle boit par petits coups et dresse le col, en équilibre sur le bord du plat. Ensuite elle cherche sa nourriture éparse. Les fines herbes sont à elle, et les insectes et les graines perdues. Elle pique, elle pique, infatigable.De temps en temps, elle s'arrête. Droite sous son bonnet phrygien, l’œil vif, le jabot avantageux, elle écoute de l'une et de l'autre oreille. Et, sûre qu'il n'y a rien de neuf, elle se remet en quête. Elle lève haut ses pattes raides, comme ceux qui ont la goutte. Elle écarte les doigts et les pose avec précaution, sans bruit. On dirait qu'elle marche pieds nus.

Jules Renard (Histoires naturelles)

 Texte N.2

Une singulière procession

Les portes de l’église s’ouvrent, laissant s’échapper, dans la fraîcheur de l’aurore, le flot des quelque trois cents fidèles qui, bientôt, se mettront en route derrière la châsse nacarat portée par deux gaillards guillerets. Mais qui sont-ils, ces lève-tôt, ces matineux inattendus? Où vont-ils ainsi dès potron-minet ? Après un petit-déjeuner express agrémenté de menues oublies et d’un café bien chaud – pas de gloria trop matin! -, le départ a été donné.

Une voix de fausset entonne le cantique bien connu en l’honneur de ce saint Gouesnou qui, voici quatorze siècles, traça de façon insolite les limites de son ermitage. La légende voudrait qu’il traînât une fourche et que, derrière lui, sur son passage, ô miracle, s’élevât un fossé!

C’est pour cette procession appelée «troménie» que, ce matin de jeudi de l’Ascension, se sont donné rendez-vous ces braves randonneurs armés de bourdons ou de simples gourdes d’eau plate.

Au loin, un coucou coucoule. Un levraut, délogé de son gîte par ce remue-ménage inhabituel, se glisse sous les genêts en fleur(s). Sur les branches d’un châtaignier, deux merles manifestent leur surprise de leurs trilles aigus. Une mésange zinzinule. Tout invite au silence, à la contemplation…

Voilà que justement l’hymne trois fois répété(e) rappelle que l’heure est à la méditation. L’officiant proclame une oraison à laquelle répondent en écho quelques alléluias. Et le long cortège s’ébranle une fois encore.

Mais voici qu’arrive le terme de cette singulière procession. Le retour à l’église du village doit être triomphal. Les bannières, de brocart d’or, sont fièrement portées, au long des derniers hectomètres et le carillon des jours de grande(s) fête(s) ameute la foule des curieux. Rite immuable : chaque pèlerin passe sous le saint reliquaire. Il espère peut-être un ultime bienfait divin mais surtout s’assure de devenir enfin, si l’on en croit les on-dit, citoyen à part entière de ladite cité.

Texte écrit par Henri Le Guen. (relecture de Philippe Dessouliers).

 



13/05/2019
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