Février 2018
Jeudi 8 février
Texte n°1
Carême
Pourquoi dans les jours d'abstinence l' Église romaine regarde-t-elle comme un crime de manger des animaux terrestres, et comme une bonne œuvre de se faire servir des soles et des saumons ? Le riche papiste qui aura eu sur sa table pour cinq cents francs de poisson sera sauvé ; et le pauvre, mourant de faim, qui aura mangé pour quatre sous de petit salé, sera damné !
Pourquoi faut-il demander permission à mon évêque de manger des œufs ? Si un roi demandait à son peuple de ne jamais manger d'œufs, ne passerait-il pas pour le plus ridicule des tyrans ? Quelle étrange aversion les évêques ont-ils pour les omelettes ?
Croirait-on que chez les papistes il y ait eu des tribunaux assez imbéciles, assez lâches, assez barbares, pour condamner à la mort de pauvres citoyens qui n'avaient d'autres crimes que d'avoir mangé du cheval en carême ? Le fait n'est que trop vrai : j'ai entre les mains un arrêt de cette espèce . Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les juges qui ont rendu de pareilles sentences se sont crus supérieurs aux Iroquois.
Prêtres idiots et cruels ! À qui ordonnez-vous le carême ? Est-ce aux riches ? Ils se gardent bien de l'observer. Est-ce aux pauvres ? Ils font le carême toute l'année. Le malheureux cultivateur ne mange presque jamais de viande et n'a pas de quoi acheter du poisson.
Fous que vous êtes, quand corrigerez-vous vos lois absurdes ?
François-Marie Arouet dit VOLTAIRE
Philosophe et écrivain français (1694-1778)
Quelques notes sur l'auteur
Après de brillantes études chez les Jésuites de Louis-Le-Grand , des vers irrévérencieux l'obligent à rester en province, provoquent son incarcération à La Bastille , et le contraignent à un exil de 3 ans en Angleterre. Au contact des philosophes d'outre-Manche où la liberté d'expression était alors plus grande qu'en France, il s'engage dans une philosophie réformatrice de la justice et de la société.
Il combat inlassablement pour la liberté, la justice et le triomphe de la raison
Esprit universel ayant marqué le siècle des Lumières, défenseur acharné de la liberté individuelle et de la tolérance, Voltaire a eu beaucoup de succès auprès de la bourgeoisie libérale. Il laisse une œuvre considérable. À cause de la censure, la plupart de ses écrits étaient interdits. Ils étaient publiés de manière anonyme, imprimés à l'étranger et introduits clandestinement en France.
Texte n°1
Le tablier de grand-mère
Tombé aujourd'hui en désuétude - mais encore offert comme gadget pour un départ à la retraite ou un anniversaire -, le tablier, ( en patois, « le devanteau »), quelque soixante ans en arrière, ceignait nos aïeules du matin au soir.
Son principal usage était bien sûr de garantir la robe ou la blouse en dessous, mais rappelons-nous les multiples autres services qu'il était appelé à rendre au cours d'une journée !
À la cuisine, il protégeait les mains de grand-mère pour retirer un faitout brûlant du fourneau , pour poser la tarte aux pommes, sortie du four, sur le rebord de la fenêtre afin qu'elle refroidît – maintenant, sa petite fille la pose là pour la décongeler. Il recueillait les pluches des petits-pois, des choux de Bruxelles, avant que grand-mère n'allât les jeter dans la « cour aux poules », derrière la « mouche de bois ». Pas question de revenir à vide : alors, selon les occasions, il ramenait des œufs, des poussins chétifs à réchauffer sous le foyer de la cheminée, quelques « scions » traînant par-ci par-là et qui finissaient dans l' âtre. Si à un moment donné, le feu donnait des signes de faiblesse, il allait jusqu'à faire office de soufflet.
À l'heure de servir le repas, brandi par grand-mère sortie sur le seuil, il invitait les hommes revenus des champs à passer à table.
Quand des visiteurs arrivaient de façon impromptue, c'était surprenant de voir avec quelle rapidité ce vieux tablier pouvait « faire la poussière », ou d'un coin mouillé de salive, débarbouiller nos frimousses, avant d'être relégué derrière une porte ou au fond d'un buffet ! Si ces visiteurs n'avaient pas l' heur de nous plaire, et que nous fondions en larmes, grand-mère nous prenait dans sa « dorne » et nos pleurs étaient vite apaisés par le merveilleux tablier qui les séchait tendrement.
( Auteur inconnu ) Texte de base fourni par Madeleine A.
malicieusement arrangé par qui vous savez
...et chantez maintenant...
DANS LA DORNE
1- Quand y'étions tot p'tits poupons
Tot juste sortis de nout' bogueuille
Dam', y'étions tot d'mêm' megnons
Bia petit gars, bell' petit' feuille,
y passions do hures au long ...
DANS LA DORNE , DANS LA DORNE
2- Quand o v'nait l' hure do bib'ron
Y fesions vouér' nout' p'tit' malice
Tch' été poué do p'tit' chansons
O l'aré fallu la police
Maman nous dounait l'teton...
DANS LA DORNE , DANS LA DORNE
3- Quand y'étions emmaillotès
Y pouvions pas remuer les jambes
Y' étions tot embouchounès
Y' avait qu' nos du mains qui bougiantent
Souvent y'étions tot trempès...
DANS LA DORNE, DANS LA DORNE
4- Tot les soirs six hures venues
Arrivait le marchand de sablle
En mangeant l' om'lett' aux us
Y nous endormions à la tablle
Y fesions nout' bon Jésus ...
DANS LA DORNE, DANS LA DORNE
5- Quand y' avait do processions
Ma mèr' nous emm'nait à la messe
A mettait nou p'tits chaussons
Nout' calott' ruchée su la tête
Y' écoutions tché bias sermons ...
DANS LA DORNE, DANS LA DORNE
6- Y nous rappel'rons longtemps
De noutre boun' mémé Germaine
A chantait à ses enfants
tot pllein de chansons vendéennes
Tch'était tot d'mêm' le bon temps ! ...
DANS LA DORNE, DANS LA DORNE
Mardi 20 février
Dictée pour le Wallon
avec la complicité involontaire et posthume de Georges Brassens
Elle est à toi, cette dictée, toi le Wallon qui, sans façon, nous as donné quatre bouts de bois quand dans notre langue il faisait froid ; qui obligeamment nous communiquas ta flamme quand tant de tes semblables n'avaient plus à la bouche que des vocables surgelés, tout droit sortis des fast-foods de l'occupant anglo-saxon. Ce n'était rien qu'un peu de bois — de l'aggloméré, du vulgaire contreplaqué, persifleront les rabat-joie — mais à présent que te voilà feu à ton tour, sache que tu n'es pas près de t'éteindre dans nos cœurs !
Là-haut, tu n'auras daigné emporter quoi que ce soit : ni le judas qui, c'est vrai, se fût révélé embarrassant au moment de frapper en pécheur à la porte de saint Pierre ; ni le chien — bobtail ou teckel, la saynète ne précise pas — qui, à t'en croire, commençait à se prendre pour quelqu'un ; ni même cette « deux bœufs » des années quatre-vingt, laquelle, fût-elle dépourvue d'age, eût été pourtant la bienvenue pour sillonner les autoroutes éthérées du paradis... Mais tu es parti sans un mot, puisqu'en héritage tu entendais nous les laisser tous...
Eh bien, c'est un hoir entre tant d'autres, un obscur, un sans-grade qui te le dit : « Mille mercis, mille fois merci ! » Du legs entier nous saurons nous montrer dignes. Tout bien pesé, ne sommes-nous pas, nous autres férus d'élucubrations langagières, tes épigones zélés ? Notre sacro-sainte dictée (que tu tins à honorer il y a un peu plus d'un lustre, parmi les volutes mi-rococo, mi-high-tech de Beaubourg) n'est-elle pas la quintessence de ton propre univers — extravagant certes, mais, pour peu qu'on lût en filigrane, tellement empreint de poésie ?
Bruno Dewaele (Cambrin (Pas-de-Calais) 2006)
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