AU FIL DES MOTS à Chavagnes-en-Paillers

AU FIL DES MOTS à Chavagnes-en-Paillers

Décembre 2017

Mardi 12 décembre

 

Le plus illustre des inconnus

      Toi qui, après avoir remonté nonchalamment l’avenue des Champs-Élysées, arrives(1)  enfin sous l’Arc de triomphe, arrête tes pas et regarde-moi.(2)  Oui, moi. T’es-tu jamais demandé, quelque glorieuses que soient la flamme et les fleurs qui signalent ma tombe, qui j’étais réellement ?

       Un soldat, me diras-tu… Un de ceux qui, vêtus de pantalons garance et de vestes bleu horizon(3) étaient partis, piaffant d’impatience. Cette guerre, nous étions censés(4) la gagner haut la main ! Nous étions à cent lieues(4) d’imaginer la suite…

La peur à l’enthousiasme s’est vite substituée. Nous avons marché, flapis, crottés, courbatus, zigzaguant(5) de fatigue sous le poids d’un barda qui nous sciait les épaules. Terrifiantes, les attaques se sont succédé(9) d’où nous ne revenions que pour nous terrer dans des tranchées exiguës, cloaques gluants où la puanteur des blessures et de la mort nous accompagnait jour et nuit.

      Que d’épreuves avons-nous traversées(9) ! Mais qu’on me croie(6) ou non, nous craignions(7) moins la mort que la faim, le froid, la vermine.

      Jusqu’au jour où elle nous a pris. Moi et les autres. Et c’est là que ma destinée bifurque. Au lieu d’être inhumé dans une de ces nécropoles où les croix de bois s’alignent jusqu’à l’horizon, j’ai été, en grande pompe, conduit jusqu’à Paris et l’on m’a déposé dans un tombeau sur lequel brûle une flamme éternelle.

     Mais je suis, et je resterai toujours « le soldat inconnu ».Savez-vous si j’étais Bisontin, Rennais, Castrais ? Combien d’années ai-je vécu(9) ? Quelles personnes ai-je aimées, haïes, admirées(9) ? Qui m’a regretté, pleuré ?

     À ces gerbes somptueuses déposées sur ma tombe par des vieillards décrépits(4), à ces interminables discours prononcés par des voix chevrotantes, comme je préférerais(8) un humble bouquet et quelques phrases sincères ! Mais par-dessus tout ce que je voudrais(8), c’est qu’on m’appelle, ne fût-ce qu’une fois, oui qu’on m’appelle…par mon nom !

 

Texte de Line Cros

 

Quelques commentaires sur la dictée :

1- Le sujet « toi » était éloigné du verbe !

2- Arrête et demande : verbes du 1er groupe à l’impératif, donc terminaison en « e »

3- Toujours les couleurs ! garance et bleu horizon sont en fait des noms : des pantalons couleur (de la)garance et des vestes (du) bleu (de l’) horizon.

4- Ne pas confondre les homophones « censés »=supposés et « sensés »=qui a du bon sens ; les homophones « lieues » : mesure de longueur et « lieux » : endroits, et « décrépits » : affaibli par l’âge avec « décrépi » : qui a perdu son crépi(un mur, par exemple)

5- Zigzaguant est ici une forme verbale du verbe zigzaguer (il a un complément : « de fatigue ») et pas un

adjectif. Il garde donc le « u » qui fait partie de son radical.

6- Croie est au subjonctif, donc il se termine par « e ». C’est à l’indicatif qu’il se termine par « s » ou « t » (je crois, il croit).

7- Nous craignions est à l’imparfait. La terminaison est donc –ions, même si cela ne s’entend pas.

8- Je préférerais, je voudrais sont au conditionnel car ces verbes expriment des souhaits.

9- Les participes passés !

- Les attaques se sont succédé= ont succédé à elles, donc pas d’accord.

- Que d’épreuves avons-nous traversées : participe avec « avoir » qui s’accorde avec le complément d’objet direct « que d’épreuves », placé avant. Il en est de même pour «aimées, haïes, admirées »

- Combien d’années ai-je vécu : ici, combien d’années n’est pas un Ct d’objet, il répondrait à la question « combien ? ». Il en serait différemment avec « l’épreuve que j’ai vécue ».

 

Jeudi 14 décembre

Texte n°1                                                        Il rentre du travail...

 

 

 

Soyez prête. Prenez quinze minutes pour vous reposer afin d'être détendue lorsqu'il rentre. Retouchez votre maquillage, mettez un ruban dans vos cheveux et soyez fraîche et avenante. Il a passé la journée en compagnie de gens surchargés de soucis et de travail. Soyez enjouée et un peu plus intéressante que ces derniers. Sa dure journée a besoin d'être égayée et c'est un de vos devoirs de faire en sorte qu'elle le soit.

Faites un dernier tour des principales pièces de la maison, Rassemblez les livres scolaires, les jouets, les papiers... et passez ensuite un coup de chiffon à poussière sur les tables.

Au moment de son arrivée, éliminez tout bruit de machine à laver ou aspirateur. Essayez d'encourager les enfants à être calmes. Accueillez-le avec un chaleureux sourire et montrez de la sincérité dans votre désir de lui plaire.

Il se peut que vous ayez une douzaine de choses importantes à lui dire, mais son arrivée à la maison n'est pas le moment opportun. Laissez-le parler d'abord, souvenez-vous que ses sujets de conversation sont plus importants que les vôtres.

Ne vous plaignez pas s'il est en retard à la maison pour le souper ou même s'il reste dehors toute la nuit. Considérez cela comme mineur comparé à ce qu'il a pu endurer pendant la journée. Installez-le confortablement. Préparez-lui une boisson fraîche ou chaude. Parlez d'une voix douce et apaisante. Ne lui posez pas de questions sur ce qu'il a fait et ne remettez jamais en cause son jugement ou son intégrité. Souvenez-vous qu'il est le maître du foyer et qu'en tant que tel, il exercera toujours sa volonté avec justice et honnêteté.

Le souper fini, débarrassez la table . Si votre mari se propose de vous aider, déclinez son offre, il n'a nul besoin de travail supplémentaire. Encouragez-le à se livrer à ses passe-temps favoris, montrez-vous intéressée, et ne l'ennuyez pas avec les vôtres. Les centres d'intérêts des femmes sont souvent assez insignifiants comparés à ceux des hommes.

 

Authentique extrait d'un manuel scolaire catholique

d'ÉCONOMIE DOMESTIQUE POUR LES FEMMES, publié en 1960

 

 

 

Texte n° 2                                La laitière et le pot au lait

 

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Les jeudi et samedi de chaque semaine, Perrette, guillerette, se rendait au marché du bourg, à deux lieues et demie de sa vieille chaumière qu'entouraient quatre hautes haies de houx. Mais son mari, sans être indigent, n'était pas cossu, et il ne pouvait lui offrir un baudet qu'elle aurait pu monter. Alors, pour aller en ville, elle trottait, tantôt à cloche-pied (clochepied), tantôt à grandes enjambées. Mais ce jour-là, elle s'appliquait à ne faire aucun faux pas : c'est qu'elle portait sur le chef, bien calé par un coussinet de coutil, un pot contenant six pintes de lait crémeux qu'elle comptait vendre à la halle pour en tirer un bénéfice substantiel. (…)

 

Avec les liards obtenus - exultait-elle in petto - elle acquerrait un bon cent d'œufs fermiers qui bientôt donnerai(en)t des cocottes replètes. Et bien prompt serait le goupil s'il en ravissait plus que sa quote-part (quotepart) ! Il ne l'empêcherait nullement qu'elle gagnât, grâce à sa volaille, assez de douzains qui lui permissent d'acheter à l'encan un beau nourrain. Bien sûr, elle le rentrerait dans ses soues à la brune ! Puis, une fois le porc pansu, elle le troquerait aisément, lors de comices annuels, contre une limousine aux beaux pis ronds, qui paîtrait à son aise, parmi les génisses, dans un pré affermé par sa belle-mère.

  

Tout exaltée par ces (ses) chimères, la laitière fait un saut de cabri mais, en retombant, achoppe sur un caillou. La chope choit. Ne reste(nt) plus du broc de la bru qui brait que des bris.

  

Adieu, taure(s), verrat(s), houdan(s), nichée(s) ! Plus de berthe, mais une Perrette bien cruche.

 

Philippe Dessouliers  

( d'après la fable de La Fontaine )

 

 

 

 



13/12/2017
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